Safaris-bouquetins

Chasse aux trophées en Valais

Lorsqu’une pratique me choque, mon premier réflexe est d’imaginer comment elle pourrait évoluer pour que la société puisse l’accepter.

Chaque pratique de chasse vaut la peine d’être décrite précisément. Des aspects controversés qui devraient être discutés pour voir les éventuelles modifications qui pourraient être appliquées.

Il paraît insensé de voir cette chasse supprimée en raison d’une émission télévisée de 16 minutes, certes choquante, mais qui démontre un point de vue sur la problématique et non tous les éléments de compréhension de manière pondérée.

Une actualité de mon pays qui m’a replongée dans une thématique que j’ai abordé en janvier 2019.
Il m’a fallu un peu de temps pour me préparer à parler de “cette chasse aux trophées” si décriée que j’ai observée au Cameroun l’espace d’une semaine…

Comment imaginer tuer un éléphant de nos jours ?

  1. Il y a des lieux où leurs populations sont si grandes que ces animaux font des dégâts insoutenables pour les locaux ;
  2. Les sommes extravagantes payées pour le tir d’un beau mâle sont un apport financier parfois indispensable pour qu’une gestion durable soit envisageable ;
  3. L’animal tiré est choisi au moment où son âge ne lui permet plus de se reproduire et qu’il va peut-être même mourir dans l’année. 

 

Il faut garder en tête que le commerce de ces beaux mâles ne perdurera que s’il est réalisé de manière durable. Aucun gestionnaire de ces chasses aux trophées ne voudrait voir s’éteindre son fond de commerce. Les chasseurs n’ont pas d’intérêt à faire disparaître leur gibier de prédilection. Encore moins quand cette proie vaut des sommes extravagantes !

J’ai été interrogée par le journaliste de l’émission radio Forum (RTS) juste après la fameuse émission télévisée sur les safaris-bouquetins en Valais pour parler des “règles éthiques des chasseurs”. Tout dépend de la chasse…

Un des principes éthiques fondamentale de la chasse aux trophées est de ne pas mettre en danger l’espèce ciblée et de pas péjorer le potentiel génétique d’une population animale – afin que des grands mâles soient toujours présents dans des dizaines d’années. Les chasseurs de trophées ont donc aussi des règles morales qu’ils partagent. Il existe bien sûr de sordides entrepreneurs qui louent des zones d’intérêt cynégétique pour les vider de leur gibier et partir cinq ans plus tard après avoir fait leur beurre dans la douleur. Mais ce n’est qu’une minorité non acceptée par les gestionnaires de ces territoires de chasse qui cherchent une régulation durable pour ne pas épuiser leurs fonds de commerce. 

En Suisse ce sont les autorités cantonales qui ont pour charge de gérer la faune. En Valais des tirs de bouquetin sont vendus à de riches étrangers pour qu’ils puissent se flatter d’avoir ramené la tête d’un si bel animal – emblématique des montagnes.
Les gestionnaires étatiques valaisans n’ont aucune raison de mettre en péril leurs populations de bouquetin. De plus leurs voisins italiens et français ne chassent pas cette espèce et donc ne seraient aucunement d’accord de voir les populations de ces ongulés transfrontaliers en péril !

L’émission de Mise au point de la RTS a mis en évidence des dysfonctionnements (paiement de main à main) et des aspects peu clairs (âge du bouquetin potentiellement reproducteur, viande pas utilisée, etc.). Les journalistes ont montré des publicités qui sont faites autour de la mort de ces animaux et des chasseurs valaisans bien loin de cette pratique. Les normes légales de ces types de chasse sont en effet bien différentes.
En Valais la chasse est très encadrée mais les surfaces sont trop grandes pour que tous soient surveillés. Chaque détenteur d’un permis de chasse valaisan a un nombre défini d’animaux à tirer et doit viser le bon animal sur le terrain, seul face à lui-même et sa conscience. Les quelques bouquetins qui figurent sur le plan de tir sont répartis équitablement entre les locaux dans chaque société communale.
Beaucoup de valaisans considèrent que ces animaux ne sont pas intéressants à chasser car trop faciles à approcher.
Les étrangers fortunés sont eux guidés par un garde pour assurer leur encadrement. Ils paient cher pour vivre une expérience cynégétique dans le cadre exceptionnel des Alpes suisses. Ils tirent le mâle désigné par le garde sans aucun libre arbitre. Le gestionnaire étatique s’assure d’achever l’animal s’il n’est pas mort sur le coup (la formation au tir étant différente selon les pays).

Suite à l’émission télévisée de Mise au point, une pétition qui cherche à : “Interdire la chasse aux trophées pour tirer des bouquetins en Valais” a été lancée par une valaisanne outrée par cette chasse dans son canton.
70’000 signatures ont été récoltées en quelques mois et la pétition a été remise le 10 mars 2020 au chancelier d’Etat.

En 16 minutes, avec des informations partielles mais tranchantes et touchantes, une pratique qui perdure depuis des dizaines d’années risque d’être supprimée. Un chasseur valaisan m’a expliqué qu’ils avaient fait le choix de laisser les gros mâles à des étrangers fortunés afin que le permis soit moins cher pour les locaux. Les positions diffèrent sur cette pratique même au sein du monde cynégétique. Dans tous les cas les populations de bouquetins sont régulés en Valais par des gestionnaires qui ne veulent pas risquer une propagation de maladies.

Le Service de gestion de la faune valaisan sont les seuls à dire depuis des années que la gestion de la chasse ne coûte rien à l’État.
Ces safaris-bouquetins semblent apporter un équilibre financier dont seul le canton du Valais peut se vanter en Suisse romande.
Tous les cantons ont des frais relatifs à la gestion des chasseurs, des AOD, des espèces en voie d’extinction, etc. Les permis de chasse délivrés rapportent de l’argent mais pas suffisamment pour compenser toutes les mesures de gestion de la faune.
Les rentrées financières résultants du loisir de riches touristes chasseurs fait donc partie des mesures de gestion pratiquées jusqu’ici en Valais.

Il serait utile de décrire précisément tous les paramètres de cette pratique de chasse ouverte aux étrangers avant de décider quoi que ce soit à son sujet.

L’information par les médias est très souvent orientée et ne reflète qu’un point de vue sur la réalité. Ce sont les gestionnaires étatiques qui ont les connaissances suffisantes pour décider de l’arrêt d’une pratique de chasse et non les politiques bien loin  des réalités du terrain – tout comme la majorité du peuple d’ailleurs. 

Il vaudrait la peine de rassembler les différents groupes d’acteurs touchés (de près ou de loin) par la thématique afin de discuter de la gestion de cette chasse. Lister tous les facteurs en jeu dans cette problématique et les discuter en présence des divers protagonistes serait utile. Il s’agit de réfléchir de manière constructive aux aspects controversés pour adapter les décisions aux besoins du terrain et aux mentalités présentes au sein de la société contemporaine.

Cette chasse doit peut-être disparaître du paysage helvétique si elle ne répond plus aux attentes actuelles de la population.

Ce sont les responsables de la gestion qui sont les plus à même de prendre cette décision et la population a le droit d’être renseignée sur tous les paramètres en question si elle est amenée à voter sur la suppression de cette chasse aux trophées.

Rejeter en bloc cette pratique de chasse qui contribue aux mesures de gestion du bouquetin valaisan, en se basant uniquement sur une émission télévisée de 20 minutes serait vraiment étonnant. Sommes-nous autant influençable par un médias en si peu de temps ?

J’espère pouvoir contribuer à faire discuter tous les acteurs autour de cette problématique et aider à trouver des consensus concernant le tir du bouquetin en Valais. Groupe de travail, réunion ouverte, présentation lors de manifestation sont à envisager pour faire évoluer les pratiques et les idées. Une diffusion de l’information à large échelle est à développer avec des émissions médiatisés, des vidéos et des supports papiers liés à une plateforme web. Autant de méthodes à utiliser pour que le futur votant sache réellement sur quoi il se prononce avant d’approcher l’urne.

J’encourage toute personne qui a envie de discuter de cette thématique à me contacter pour que nous partagions les premiers éléments de compréhension que nous avons sur ce sujet qui est déjà rentré dans le débat public.

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