Étho-anthropotechnologue

J’étudie les techniques de gestion de la faune pour mieux comprendre le lien entre l’animal et l’humain.
Cela englobe les manières des utilisateurs de la nature (animaux compris) de coexister dans l’environnement
ainsi que l’évolution des mentalités autour des pratiques de chasse.

L’éthologie

C’est une filière de la biologie qui étudie le comportement animal.

En Suisse Romande, la seule université à réaliser cette formation est Neuchâtel.
Tout le règne animal y est étudié : du poisson jusqu’à l’humain en passant par les oiseaux.

Les bases des sciences naturelles acquises après trois années de biologie (bachelor), j’ai donc passé deux années à analyser le comportement des animaux.
J’ai réalisé un stage sur les stratégies reproductrices des guépards au Safari de Peaugres – espèce qui se reproduit difficilement en captivité. Là déjà le lien des soigneurs avec les animaux en captivité m’a passionné.
J’ai ensuite passé six mois en Ouganda à observer les manières dont les colobes rouges (petits singes arboricoles) tentent de faire perdurer leurs gènes.

J’avais déjà suivi des cours en auditoire libre à l’Institut d’ethnologie car j’avais l’envie de comprendre le règne animal dans son entièreté. Mon séjour en Ouganda m’a confirmé que je voulais mieux comprendre l’espèce humaine. L’envie de travailler sur les difficultés qui peuvent exister dans la cohabitation avec des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts aux cultures m’a ainsi convaincue de compléter ma formation en anthropologie.

L’anthropotechnologie

C’est une approche de science sociale, créée par Philippe Geslin, que j’ai eu la chance de d’avoir comme professeur lors de mon parcours universitaire à Neuchâtel. J’ai trouvé un grand intérêt à cette perspective car il ne s’agit pas d’études uniquement fondamentales mais d’une recherche appliquée.

L’objectif est d’accompagner le transfert d’une technique pour qu’elle soit adaptée aux acteurs ciblés et qu’elle s’intègre à la vie sociale d’une communauté de manière pérenne. L’analyse de la situation est réalisée en amont pour que des recommandations permettent l’accueil adapté d’une technologie.

Ce n’est donc pas une discipline théorique – dont les données compilées servent à tirer des concepts – mais bien une posture d’intervention technologique construite sur l’action. Une expertise locale est réalisée par le chercheur sur la relation humains-outils afin de trouver la manière la plus adéquate pour qu’un transfert technique soit réussi.

L’anthropologie de l’objet

Comprendre les techniques en questionnant les outils – artifice par excellence.

En interrogeant sur les clôtures qui protègent les cultures (et non sur les dégâts réalisés par les sangliers) j’ai pu accéder à énormément d’informations concernant la gestion de la faune à Genève.

En ne rentrant pas dans la problématique par le conflit (les dommages des suidés) mais par l’outil (anthropologie de l’objet), mes interlocuteurs décrivaient la situation sereinement et l’affect était moins présent. Ils m’ont ainsi parlé des divers aspects de la gestion : protection des cultures, compensation financière des dégâts et régulation des populations de sangliers par des tirs.

Des recommandations ont découlé de cette recherche (organiser des rencontres mensuelles pour que les difficultés soient discutées, calculer les frais exacts de gestion, transformer les catégories législatives de certaines espèces, récupération plus efficace de la viande pour gagner du temps, etc.).

Étant éthologue de formation, j’ai quantité de notions de biologie environnementale en tête. Comprendre les effets des pratiques de chasse sur les animaux et la manière dont les humains les appliquent est très pertinent. La mort est au centre de la thématique de la chasse et le lien de chacun à la nature est au centre des préoccupations. Surtout à une heure où l’on parle d’alimentation raisonnée, d’exploitation animale irrespectueuse, de maltraitance des bêtes, de hiérarchisation des espèces, etc.

J’utilise donc les techniques de gestion de la faune pour analyser les liens entre les humains et les animaux.

La notion de “gestion de la faune” signifie bien l’approche de l’humain face au règne animal : sa volonté de diriger, d’organiser les rapports entre les êtres vivants. Je m’intéresse à toutes les techniques choisies pour coexister avec les animaux sauvages. Il faut néanmoins utiliser la terminologie couramment utilisée dans son domaine de recherche : “les techniques de gestion de la faune”.