Définir les notions

Il est primordial de donner le sens des termes que l’on utilise cependant il n’est pas possible de définir chaque concept utilisé !
Je cherche souvent la définition des mots que j’ai envie d’utiliser et Larousse m’aide beaucoup à trouver les concepts appropriés.
Voici quelques unes des notions qu’il me semble important de partager pour être certaine que mes propos sont bien compris. 

Coexister 

Coexister qui est défini comme : exister simultanément ; en même temps que quelqu’un ou quelque-chose ou encore avec un groupe. Exister exprime le fait : d’être en vie ; d’être dans la réalité et repérable dans le temps ou dans l’espace mais aussi ; avoir de l’importance ou de la valeur ou encore ; s’affirmer, se faire reconnaître aux yeux de la société, d’un groupe, de quelqu’un.

Coexister et cohabiter sont des synonymes mais on peut relever une différence de sens importante.

En effet, la cohabitation vient du verbe cohabiter qui a plusieurs définitions dans le Larousse :
C’est le fait d’habiter dans un même logement ; de vivre avec un autre groupe présent sur le même territoire ou dans le même espace juridique sans remettre en cause le système existant.

Il paraît ainsi évident que le terme coexistence reflète davantage les relations entre les humains et les animaux. Des êtres naturels qui vivent sur un même territoire (espace juridique vu qu’ils le sont tous) et dont la présence simultanée dans l’espace remet clairement en cause le système de l’autre espèce. Même si les périodes d’activité sont parfois très différentes, il s’agit bien de coexister avec des espèces chassables que nous impactons souvent bien plus qu’elles nous impactent – en tous cas au sujet des animaux n’occasionnant pas de dommages (pas AOD donc).

Les manières choisies pour coexister avec les animaux sauvages sont souvent nommées “techniques de gestion de la faune”, terminologie que j’utilise également pour être comprise dans mon domaine de recherche. La notion de gestion signifie bien la façon dont l’humain remet en cause le système d’autres espèces : en dirigeant, en organisant les rapports entre les êtres vivants.

AOD = animaux occasionnant des dommages aux activités humaines

Acronyme qui est ressorti de mes recherches. Des animaux qui apprécient tout particulièrement les cultures produites par l’humain.
Le sanglier est l’espèce qui fait le plus parler d’elle tant il est prolifique, adaptable et ubiquiste.
Cela comprend aussi d’autres ongulés (cerf, chevreuil, chamois et autres) qui ont effet non négligeable sur le rajeunissement des forêts.
Il y a aussi les lièvres et lapins qui peuvent avoir de gros effets sur les cultures et les terrains. Tout comme le blaireau.
Les pigeons et corvidés sont aussi en cause comme les oies et les cygnes selon les lieux et les cultures.

Cet notion rajoute les animaux chassables en plus des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), nouvel acronyme utilisé aujourd’hui pour ne plus parler de “nuisibles”.

Êtres naturels

Je pense ici à la 3ème définition de Larousse : l’existence d’une personne, la réalité ou la vérité d’une chose.
Je considère que nous ne sommes pas si différents des animaux. Et que les animaux ont droit à notre considération comme les arbres, insectes, etc..

C’est pourquoi bien que j’ai été plusieurs fois reprise sur cette notion, j’y tiens dur comme fer car elle exprime ma vision du vivant.

Artifice

Toute création perfectionnée par la main humaine qui se distingue du naturel en raisons des capacités du cerveau complexe de cette espèce dont nous faisons partie. L’humain réalise une catégorisation de toutes choses et êtres naturels (humain et animal).

Comme Tinland (1977) le propose. Il englobe l’outil, la règle, le signe (pensée symbolique). Ce sont  qui dépasse les lois naturelles.
L’humain naît, selon lui (comme l’explique Crahay, 1988) de la rencontre entre une individualité naturelle et un système de signes, transmis traditionnellement, qui informe cette individualité.

Aspects que l’on retrouve dans les trois définitions d’artificiel : produit par le travail de l’homme, résulte de la vie en société, pas conforme à la réalité et manque de naturel.

Pratique
Un mix de la 1e, 3e et 4e définitions de Larousse exprime avec justesse cette notion : 
Mise en action des règles et principes d’une technique.
Connaissance acquise par l’expérience, par l’action concrète.
Façon d’agir, conduite habituelle à un groupe.
-> d’où mon enclin à parler de pratiques de chasse.

Technique
Les 2 premières définitions de Larousse sont à considérer ici :
Ensemble de procédés et de moyens pratiques propres à une activité.
Savoir-faire, habileté de qqn dans la pratique d’une activité.
-> des exemples de techniques de chasse sont la battue, l’affût, l’approche, etc.

Étho-anthropotechnologie

Discipline qui analyse l’outil (la technique de chasse en l’occurrence) pour mieux comprendre le(s) lien(s) entre l’humain – l’animal.
Type de recherche-action qui propose des recommandations découlant de la description des dynamiques de communauté constatées.
Discipline que j’ai initiée par ma formation en éthologie et anthropologie et découlant de l’anthropotechnologie créée par Philippe Geslin.

Une bonne façon d’analyser une problématique est d’interroger sur les pratiques est d’observer l’outil dans l’action en situation Questionner sur la technique développée plutôt que sur la cause du conflit ouvre les mentalités aux possibles. D’où ce titre jugé par certains comme inaudible que j’ai choisi d’étho-anthropotechnologue: j’analyse les techniques de gestion de la faune chassable pour mieux comprendre le lien humain-animal.

Éthique cynégétique

Les deux définitions de Larousse résonnent en moi :
Partie de la philosophie qui envisagent les fondements de la morale.
Ensemble des principes moraux des chasseurs face à leur acte de prédation et régulation.

J’avais été inspirée par les règles morales proposé par journaliste chasseur Vincent Piednoir (2016). Les voici :
tuer net ;
– prendre soin des auxiliaires (chiens, chevaux, oiseaux appelants, rapaces, etc.) et les éduquer convenablement ;
– connaître et préserver les biotopes ; réguler les espèces dont la surdensité cause des nuisances ;
– déterminer le taux de prélèvement du gibier en fonction de la qualité de reproduction annuelle évaluée ;
– respecter les divers usagers de la nature ;
– « faire preuve de civisme à l’égard des autres chasseurs, et s’interdire de céder à la tentation du « massacre » qui procède toujours d’un esprit de compétition peu glorieux et honteusement destructeur » ;
– garder conscience qu’une arme implique plus de devoirs que de droits ;
– « montrer que la culture cynégétique est omniprésente dans le développement historique des sociétés humaines, et qu’elle confine à la science, à l’art, à la philosophie… ».

Garder donc cet « esprit de la Chasse, qui enseigne la maîtrise de soi et qui seul réussit le prodige de replacer l’homme au cœur du monde sauvage, sans pour autant lui retirer son « humanité » ».

Je réalise qu’il y a une éthique par pratique de chasse qui est partagée par les passionnés de celle-ci.
Des règles morales spécifiques au type de chasse pratiqué et qui peuvent être différentes pour un même gibier selon la localité.
La déontologie de la pratique est souvent implicite.
Il vaudrait la peine de lister les différentes éthiques de chasse pour que des sanctions soient appliquées lorsque ces normes ne sont pas suivies. Des valeurs morales qui évoluent avec les mentalités de la société et qui méritent d’être requestionner régulièrement.

Cette notion reste un terme fourre-tout qui n’est pas simple à décrire. J’en ai eu la preuve lors d’une émission radio.

Cynégétique : qui concerne la chasse.
Nemrod : homme qui aime beaucoup la chasse ; très habile chasseur.
Et donc qui respecte l’éthique cynégétique. J’ai tendance à les appeler chasseurs conscientieux – terme plus parlant pour certains.

Nature

Perception d’un environnement composé d’éléments constitutifs, sauvages ou domestiqués, par un individu humain qui y voit une source originelle. La nature est un construit terminologique d’une grande charge historique en anthropologie, comme dans d’autres disciplines, soit il inclut tous les être naturels (y compris l’humain) (Descolla, 2005 et Bonte et Izard, 1991) et construit les valeurs humaines (Haudricourt, 1962 et Lauriol et al., 2008) ou c’est une perception de l’humanité qui pense cette notion et agit sur elle (Berque, 1986 et Lussault, 2003). 

Je rejoints donc le postulat des gestionnaires genevois (DGNP, 2010 : 11) : « La perception et le rapport que nous entretenons avec la nature dépendent des contacts tissés avec cette dernière… ». Chacun a Sa Nature limitée par Ses frontières qu’il a érigées.

Biodiversité
Comme on le trouve sur Larousse, ce terme exprime la diversité des espèces vivantes et de leur caractères génétiques. 
Il s’agit donc d’une variété maximale d’individus dans un écosystème. J’applique aussi cette notion à l’humain : faisant partie des êtres naturels.

Écosystème : Système formé par un environnement (biotope) et par l’ensemble des espèces (biocénose) qui y vivent, s’y nourrissent et s’y reproduisent.
Biocénose : Ensemble des êtres vivants qui occupent un milieu donné (le biotope) en interaction les uns avec les autres et avec ce milieu.
Biotope : Milieu défini par des caractéristiques physicochimiques stables et abritant une communauté d’êtres vivants » (Larousse).

Chassable (animaux pouvant être chassés)

À Genève il ne s’agit que de la faune qui peut avoir des effets sur son milieu lorsque sa population atteint un seuil qui n’est pas soutenable pour le territoire.
Cette terminologie comprend aussi des espèces tirées depuis des siècles, pour lesquelles un maintien de certains biotopes est réalisé pour les pérenniser à travers des actions ciblées.
La notion a été discutée avec les gestionnaires genevois et il s’agit donc du sens donné par la loi fédérale (LChP – dont la révision est soumis à votation en septembre 2020) : Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (OChP, 922.01) du 29 février 1988. Le terme « chassable » est stipulé dans l’article 16 comme synonyme de « pouvant être chassée » du titre de l’article 5 Espèces pouvant être chassées et période de protection. Il s’agit donc du cerf élaphe, sanglier, daim, cerf Sika et mouflon, chevreuil, chamois, lièvre commun, lièvre variable et lapin de garenne, marmotte, renard, blaireau, martre et fouine, coq du tétras-lyre, lagopède et perdrix (cette dernière retirée récemment de la liste des espèces chassable), pigeon ramier, tourterelle turque, grand corbeau et corneille mantelée, faisan, grèbe huppé, foulque macroule, cormoran et canard sauvage, bécasse des bois, chien viverrin, raton laveur et chat haret, corneille noire, pie, geai des chênes et pigeon domestique retourné à l’état sauvage.

Compensation = Indemnisation

Ces deux notions signifient la somme remise aux agriculteurs pour compenser les dégâts de la faune.

Compenser définit comme : contrebalancer, équilibrer un effet par un autre ; neutraliser un inconvénient, un préjudice par un avantage mais aussi : satisfaire plus que nécessaire un besoin pour remplacer l’inassouvissement d’un autre besoin.
Indemniser signifiant : Dédommager quelqu’un de ses frais, de ses pertes, d’un préjudice.

Ce que j’ai pu constater sur le terrain c’est que les agriculteurs ne peuvent être satisfaits de recevoir de l’argent à la place du fruit de leur récolte. Le travail engendré pour faire pousser des cultures est inestimable financièrement étant donné que nous savons pertinemment que le prix des aliments est fixé par la concurrence et non les heures de labeurs. La situation des paysans (devenus exploitants par la force des décisions politiques) est délicate et des pertes financières sont difficiles à encaisser. Peu diront que tout le préjudice leur est remboursé (les côtas dépendant de la surface, de l’estimateur, de la répétitions des dégâts, des types de cultures détruites, etc.). Dans certaines zones, les pâturages sont tellement retournés que l’on se demande comment on fera du fromage.
À savoir que l’agriculteur doit en général remettre en état la parcelle endommagée pour être indemnisé (même s’il sait pertinemment que les sangliers vont revenir la semaine qui suit).  

Régulation

Ce terme émique (découlant du propos des acteurs) est utilisé par les gestionnaires genevois (et outre frontière) pour signifier le tir d’animaux problématiques afin d’assurer un fonctionnement soutenable à l’agriculture.

Plusieurs définitions sont proposées par le Larousse pour divers disciplines mais pas pour la cynégétique. Dans ce domaine, cette notion exprime une adaptation permanente du nombre de prélèvements face à l’évolution des populations animales, pour permettre à l’agriculture de perdurer tout en laissant place à la reproduction de la faune sauvage.

En écologie, ce terme est utilisé pour exprimer la coexistence des différentes populations dans un même écosystème. Populations d’êtres naturels qui développent des interactions (compétition, coopération, prédation, etc.) susceptibles de modifier la dynamique, l’organisation et l’évolution de chacun comme du milieu habité. Un équilibre des écosystèmes insufflé par la force naturel donc.

L’un d’eux m’avait dit une fois : “C’est comme si vous peignez un mur et qu’un gamin vient y poser ses mains sales dessus”. Même indemnisé, ce n’est pas facile de l’accepter. Surtout si ça se reproduit fréquemment !

Service de gestion de la nature

L’organe de gestion genevois fut successivement nommé au cours du temps Service des forêts et de la protection de la nature et du paysage (SFPNP) , Domaine nature et paysage (DNP) , Direction générale de la nature et du paysage (DGNP) puis Direction générale de l’agriculture et de la nature (DGAN) et aujourd’hui Office cantonal de la nature et de l’agriculture (OCAN).

Bien que cette organisation étatique puisse contenir une série de services en charge des différentes thématiques concernant la nature, la notion de Service de gestion a été choisie pour la rédaction de l’étude sur les implications socio-écologiques et économiques de la gestion de la faune exclusivement étatique réalisée à Genève. Cette dénomination  peut être comprise par tout acteur et s’appliquer à n’importe quel territoire défini car elle englobe la gestion de la nature, la chasse, les dégâts à l’agriculture et la faune.
 
Les gestionnaires étatiques comprennent les employés du Service qui prennent les décisions et les gestionnaires de terrain. Ces derniers sont nommés gardes-faune ou gardes-chasse, notions mieux comprises.